Murs à Pêches, Montreuil. Les journées du Patrimoine, dimanche 20 septembre 2020, dans la petite couronne de Paris. Si l’on remonte la rue du cimetière, l’on débouche sur des jardins. Ce sont les Murs à pêches du Haut Montreuil.
Dans une période de pandémie qui exacerbe l’entre-soi, ce rendez-vous est comme le mirage d’une communauté célébrée, autour de divers spectacles, ateliers, siestes collectives, tirage, en musique, avec bière et nourriture fraiches. On circule dans les différents espaces et jardins en traversant les parcelles, le long de petits chemins improvisés.
Cette portion du site des Murs à Pêches est occupée par des associations à but divers, qui développent des activités tant agricoles, qu’artisanales, artistiques et sociales. Formulant de concert un espace de création et de lien social.
Montreuil est une grande commune de l’Est parisien, aujourd’hui en voie de gentrification.
Un patrimoine historique : des pratiques de cultures horticoles
Si l’on porte le regard sur l’histoire de ces lieux, au XVIIème siècle, ce sont d’anciens ouvrages horticoles, alors étendus sur 600 kilomètres de long (Télérama,[1]), sur la ceinture alors maraîchère de la petite couronne-Est de Paris. Ces cultures de pêches, de pommes et de poires, s’acheminaient jusqu’aux tables des rois de France.
En termes de structure, ce sont de petites parcelles délimitées par des murs, de deux mètres cinquante de hauteur. Ces murs sont la clef technique de la culture d’arbres fruitiers dans le climat régional. Composés de gypse, de silex, de plâtre et de terre, les parois absorbent et retiennent la chaleur. Les arbres fruitiers sont palissés sur ces cloisons, ainsi contenus dans leur croissance, protégés et bénéficiant de la chaleur contenue, propice à la maturation des fruits.
Aujourd’hui ces espaces sont réduits à 17 kilomètres de long selon un article de La Croix ou 36 hectares selon Le Parisien, [2] ; tantôt entretenus, tantôt avec certaines parois qui se sont effondrées.
Les Murs à Pêches : un terrain de prédation foncière publique et privée
Une lutte en plusieurs actes pour les Murs à Pêches de Montreuil
L’Association des Murs à Pêches est née en 1994 (Fédération des Murs à Pêches[4]) avec la fin de défendre ce lieu contre les diverses prédations foncières dont il est l’objet et les projets d’urbanisation qui menacent son existence. Le but est également de faire connaître aux habitant.e.s et aux citoyen.ne.s la valeur patrimoniale, symbolique et humaine de ce lieu. L’association loue alors deux parcelles.
La création de l’association fait suite à un projet de ZAC (Zone d’Aménagement Concertée), abandonné en 1991, qui aurait impliqué la destruction de la partie ouest des Murs à Pêches. Aussi, dans les années 1990, le maire de Montreuil rachète les parcelles aux familles des anciens arboriculteurs, aux vues de la valeur foncière de ces terrain, selon la Fédération des Murs à Pêches[5].
- En 2001, l’association dépose une demande à la Direction Régionale de l’Environnementale. Aidée par l’unité locale du parti des Verts, la demande remonte jusqu’au ministère de l’environnement. L’inspecteur chargé de l’affaire postule la protection de 16 hectares.
- En 2003, 8.5 hectares sont alors classés « Sites et Paysages ». Puis, un complexe est construit sur une partie des Murs à Pêches en 2008, avec une piscine, une maison de retraite, une école et autres bâtiments.
- En 2010, le site de l’association des Murs à Pêches devient la Fédération des Murs à Pêches. 15 associations sont présentes sur le site, pensé comme un « commun ». Outre la valeur patrimoniale et symbolique des Murs à Pêches, ces associations défendent une sauvegarde d’un îlot de biodiversité et de lien social en milieu urbain.
- En octobre 2017, Urban Era, une filiale du grand groupe Bouygues Immobilier, propose, dans le cadre du concours « Inventons la Métropole du Grand Paris », un projet d’aménagement urbain sur le site de l’ancienne usine EIF, sur 1,9 hectares du terrain des Murs à Pêches. Il s’agit d’un complexe de 83 logements, des bureaux et un hôtel « écologique ».
Une petite victoire citoyenne
L’année suivante, l’association crée une pétition contre le projet, et le festival annuel de la Fédération soutient la cause. 8000 signatures sont obtenues. Le Collectif Super Local soutient la sauvegarde des Murs à Pêches, parmi 200 projets « inutiles » (polluants et injustes) sur le territoire.
Finalement, le projet de prédation foncière et immobilière est abandonné, notamment du fait que le site est pollué aux solvants chlorés (25 tonnes selon Le Parisien). Une petite victoire pour la fédération et pour les personnes qui luttent pour la protection et la survie d’espaces communautaires et de vie, face à des projets urbanisant hostiles à visée pécuniaire.
Ceci dit, si les associations disposent du site pour y mener des activités à visée écologique et sociale, l’accès des habitant.e.s au quotidien reste limité au calendrier événementiel et au rythme de la vie bénévole des associations.
Un projet de dépollution du site à risque pour les habitant.e.s?
Une dépollution du site est aujourd’hui envisagée par le propriétaire et opérateur public l’Epfif ou Etablissement public foncier Ile-de-France. Des militant.e.s continuent d’occuper le site de l’ancienne usine EIF, de manifester et se sont constitué.e.s en association. Ainsi, l’association Reste Ensembles bloque ce projet de dépollution, tant qu’un cahier des charges clair n’est pas établi et ne leur est transmis, ainsi qu’aux habitant.e.s. Ces derniers réclament une étude de risques potentiels propagation de la pollution lors des opérations de démolition-dépollution et la clarification des intentions de l’opérateur public à chaque étape, face à ces risques.
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Sources écrites papier :
[1] Télérama, no. 3690, Sortir Paris, Du blé pour les pêches, Les Murs à Pêches de Montreuil Loto du patrimoine, samedi 3 octobre 2020 139 mots, p.4
[3] Le Parisien, Seine-Saint-Denis, Ces sites insolites, Les Murs à Pêches, Le jardin caché de Montreuil, lundi 22 juillet 2013, p.93
[4],[5] Journal des Murs à Pêches, Murmurs 2, Fédération des Murs à Pêches, 2020.