Le mouvement des Gilets Jaunes a un fort besoin de s’exprimer. Qu’il s’agisse de manifestations avec des signes et des déguisements colorés – ou encore de tags sur les murs. La scène graffiti et street art profite bien sûr de l’occasion pour se faire entendre dans la rue, et c’est ainsi que divers artistes se sont rencontrés dans la communauté Black Lines pour créer des murs socialement critiques dans le contexte des gilets jaunes. Le jam-graffiti a eu lieu en mai 2019 sur la rue Ordener dans le 18e arrondissement au nord de Paris.
Au début de l’année, Black Lines avait déjà sorti un premier mur avec différents artistes. À cette époque, le thème principal était « hiver jaune ». Cependant, l’administration du 19e arrondissement a réagi rapidement et a fait repeindre le mur en gris. La fresque montrant le boxeur Christophe Dettinger, réalisée par l’artiste Skalp, est l’un des tableaux qui a suscité la controverse à l’époque. Dettinger avait repoussé la police sur un pont à Paris avec des coups de poing.
L’action de la ville est cependant perçue par les artistes comme une censure. Il est clair que les artistes ne toléreront pas cela – et c’est la voie à suivre pour le prochain tour. Dans la fresque de Monsieur Plume /RC/OTM, des personnages recouverts de noir se rassemblent autour d’une table sur laquelle se trouve un livre rouge qu’une personne semble tenter de prendre. Le regroupement des figures masquées noires donne l’impression qu’une conspiration est en cours. À gauche, une bombe à aérosol isolé sur la table, à droite un homme masqué avec une batte est assis à côté d’une personne debout qui prend le plancher. On ne sait pas de quoi ces gens discutent. En revanche, le thème principal de la Black Lines Edition se distingue clairement : la censure et la liberté d’expression. Également présents : Slyz, bricedu, Torpe et Vince.
La violence subit des Gilets Jaunes en Streetart
Les graffeurs sortent les bombes – l’état sort le Karcher. »
La violence récurrente est un grand sujet parmi les militants de ce mouvement social. L’artiste Slyze (à droite) s’y réfère avec sa création, une photo d’après Bsaz. La photo montre un policier qui semble avoir frappé un manifestant avec un gourdin. « Résistance » est écrit sur son dos. La banderole rouge en arrière-plan, qui s’élève devant des nuages noirs de fumée, dit : « Les tagueurs sortent les bombes de peinture » – Un appel à tremper la ville dans la peinture et à désobéir ? En combinaison avec l’acte de violence dans l’image, l’allusion au dispositif de nettoyage à haute pression peut sembler déconcertant.
Le fait est que des équipes de nettoyage se chargent du nettoyage dans les heures qui suivent les grandes manifestations. Comme ce fut le cas le 1er mai, lorsque des cartouches de grenades vides des Flashbangs (GLI-F4) des cartouches de gaz lacrymogène, ainsi que des balles en caoutchouc, ont été nettoyées en tout premier. Viennent ensuite les transporteurs dans lesquels les montagnes de déchets sont ramassées. Le lendemain, les premiers taggs disparaissent des murs et des paravents en bois des magasins et forment des motifs patchwork dans la façade. Certaines rues sont maintenues si propres qu’après quelques jours, toute trace d’appropriation de l’espace disparaît. Urbanauth a pu voir le Kärcher en action le dimanche après le 16 mars, lorsque des convois de nettoyeurs ont tenté de réparer les dégâts aux Champs-Elysées à l’hâte.
Marianne – Symbole de la révolution francaises
La photo de gauche représente Marianne, conçue par l’artiste Torpe. La Marianne est une figure symbolique de la Révolution française. Son visage sinistre, le drapeau français dans une main et un fusil dans l’autre, elle se retrouve entourée de journalistes. Ils l’harcelènt de questions : « C’est actes violence, les condamnez-vous ? « Les autorités, les condamnent-vous ? » « Condamnez la violence ».
Ce travail sociocritique peut être compris comme une représentation de la pression publique sur les manifestants. Marianne, qui aime la liberté, se retrouve tourmentée et doit se justifier auprès de la presse pour cette violence. Ainsi, selon elle, la violence la plus grave vient de l’État même, sous forme de violence physique : pendant les manifestations ou dans les banlieues, mais aussi sous forme psychologique : Comme la réduction des prestations de sécurité sociale et des retraites ou la fermeture de lieux publics et le sentiment de ne pas être entendu par les hommes politiques.
Les gilets jaunes et la crise des médias
Dans le chef-d’œuvre du sprayeur parisien Vince, deux mains tiennent un panneau rouge d’une longueur de dix mètres sur lequel est écrit « autocensure ». La phrase ci-dessous dite : « Cette fois, l’administration municipale ne la fera pas disparaître… » qui fait allusion à l’administration municipale qui a repeint le mur en gris après la dernière réunion de Black Lines. En bas dans le coin droit, le graffeur a écrit dans un ton sarcastique : « Enrichi par le contrôle social ».
Dans la série d’images, nous pouvons voir la teille complète de la fresque. En haut, il est précisé : « Sans l’effet Barbara Streisand – c’est garanti ». L’effet Barbara Streisand est une information indésirable, dont les tentatives de dissimulation ne font que rendre l’information d’autant plus connue. Cet effet n’est pas nécessaire pour cette œuvre d’art, car les passants réagissent tous sauf indifférents. Ils profitent de l’occasion pour se prendre en photo d’eux avec « l’autocensure ».
Le comportement des médias à l’égard du mouvement social est également fortement critiqué. Alors que les émeutes contre les policiers tendent à être au centre de l’attention des médias, les actes de violence contre les manifestants sont beaucoup moins abordés. Le journaliste indépendant David Dufresne recueille des témoignages et du matériel vidéo sur la violence policière depuis le début du mouvement Gilets-Jaunes. Il a recensé 803 violations fin mai 2019.
Sagesse Graffiti : « Les Medias vivent, quand la rue meurt ».
« Les Medias vivent quand la rue meurt. C’est une info, pas une rumeur! »
La femme sur la photo – où va-t-elle en ce moment ? – passe devant un téléviseur. Une minuterie indique les chiffres 13:12, tandis que les fils électriques à côté du bol mènent aux barres de dynamite. L’appareil contient trois carottes avec des plaques identificatoires en dessous : Une est dédiée à TF1, qui appartient au groupe Bouygues, une à CNEWS, qui est liée au groupe Bolloré, et la dernière à BFM(-TV). Ces trois chaînes de télévision appartiennent à des investisseurs privés. Parmi eux, la crème de la crème de l’élite économique française : Vincent Bolloré, Martin Bouygues….
Ce n’est pas pour rien qu’une inscription en haut de la page dit : « Les médias vivent quand la rue meurt. C’est de l’information. Pas de rumeur ! » Car si les samedis des émeutes du 1er, 8 décembre 2018 et 16 mars 2019, les chiffres d’audience des chaînes de télévision ont franchi le plafond et que les présentateurs se sont échauffés, il faut noter que tous les médias ne sont pas détestés. En effet, les Gilets Jaunes respectent les journalistes indépendants intimidés par l’État. Nous en avons fait rapport.
Qu’adviendra-t-il de la liberté d’expression et de la liberté de la presse ?
Le panneau « Place à la liberté d’expression » est entouré de barbelés sur l’image de gauche. Deux caméras de surveillance montrent symboliquement la surveillance croissante, tandis qu’un petit ours souriant de façon espiègle est assis sous le panneau et tient une grenade dans sa main. En tant que spectateur, on est tenté de se poser la question de savoir quand la grenade pourrait exploser.
La guillotine, une invention de la Révolution française, est une hache avec laquelle le roi Louis XVI fut décapité. Sur l’image de gauche, il est pointé vers un crayon portant le nom de l’association organisatrice. Alors que le premier jam graffiti et streetart a été peint en gris par l’administration municipale sous la devise « Hiver Jaune« , le dernier graffiti a été consacré à la liberté d’expression.
Les artistes ont été attaqués en leur honneur – mais l’insatisfaction n’est pas seulement remarquée de la part de la scène graffiti. Dans une lettre ouverte début mai, le collectif YellowSubmarine a appelé à la solidarité avec les mouvements de protestation sociale et à ne pas détourner le regard aux actes de violence. Le collectif est composé d’artistes de diverses disciplines. Leur pétition compte désormais plus de 26 000 signatures.
Et même l’artiste, qui est probablement Koz1, semble avoir perdu patience avec l’État. Dans des vêtements hip-hop, son singe en colère fourre dans la bouche d’un président caricaturé une bombe de 600 millilitres – bien sûr en jaune fluo. Le graffiti « GJ » à l’arrière-plan, les initiales du mouvement. Sur la cravate détachée de l’homme d’État maltraité : « L’art est public. En marche arrière. » Cette dernière phrase contraste avec le nom du parti au pouvoir : « La République en marche » (/LREM). Une déclaration qui pourrait être liée à des mesures de réduction budgétaire dans les domaines de l’éducation et de la culture, ainsi qu’à une dégradation perçue des conditions de travail.
Mais…
…quelqu’un a encore un mot de plus à taguer
Graffiti ? Gilets jaunes ? – Okay
Mais ici ? – Mauvaise adresse
TPK, entre autres connu sous le nom de « The Poor Kid’s »- l’une des crews de graffiti les plus célèbres de la capitale française, n’était pas entièrement d’accord avec Black Lines. Les membres de cette équipe : Relax, Craze, Eby, Keas, Keas, Blod, eyome, Knyze, dkc l’ont montré quelques jours après l’événement. Le Hall of Fame de la rue Ordener est connu pour appartenir aux equipes de taguers établies depuis longtemps. Les blanc-becs et les étrangers ne sont pas bien vus. Même si la scène graffiti est proche du mouvement Gilets-Jaunes car la foule imprévisible cache les tagueurs. Et même si la ville devient pour eux un terrain de jeu le samedi, les murs de la rue Ordener sont d’une grande importance pour ces équipes établies. Correspondant au sujet la première image montre une œuvre peinte en jaune et dans un style bouillonné. Le message dit : « La révolution est la révélation à l’horizon ».
Dans la deuxième image, la déclaration de l’artiste Adam Yuul a également été épargnée. En rouge, il met en garde contre trois épidémies : Castagnitis, Rugyole et Pénicose. La première fait référence à Christophe Castagner, ministre de l’Intérieur et chef du parti LREM, et les deux autres au ministre de l’Environnement, François de Rugy, et Muriel Pénicaud, ministre du Travail. En rapport avec les revendications :
L’Intérieur – qui évoque la violence policière, les détentions provisoires.
L’écologie – que Macron a promue sans succès dans son programme électoral.
Le travail – l’un des motifs fondamentaux de la création des Gilets Jaunes est la baisse du pouvoir d’achat ainsi que les salaires et les grandes différences structurelles dans le pays.
La fresque peut être comprise comme une critique de l’orientation économique néolibérale du parti au pouvoir. Pour cette raison, l’artiste prévient finalement de ne pas quitter la maison sans la veste jaune.
L’article est disponible en anglais et allemand. Les images ont été prises par Urbanauth.